LGT Gaston Monnerville

Comment Sciences Po Paris tente d’attirer les lycéens guyanais

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Sciences Po a lancé en 2001 le dispositif des Conventions éducation prioritaire pour attirer des lycéens de réseau d’éducation prioritaire. Il s’est élargi en 2022 avec de nouveaux établissements partenaires dans les départements d’Outre-mer. Exemple au lycée Gaston Monnerville de Kourou, en Guyane.

Démocratiser Sciences Po Paris pour les élèves issus des établissements en réseau d’éducation prioritaire. Telle était la volonté de l’emblématique directeur de Sciences Po Richard Descoings, décédé en 2012. Si cette réforme avait eu à l’époque beaucoup de mal à être acceptée par ses détracteurs qui estimaient qu’elle ferait baisser le niveau de la prestigieuse école de la rue Saint-Guillaume dans le très chic 6e arrondissement de Paris, désormais, le dispositif s’est généralisé. À tel point que dès la rentrée universitaire 2023, Sciences Po augmentera de 50 % le nombre d’admis par la voie CEP en première année, alors que 32 nouveaux lycées rejoignent le dispositif, portant à 198 le nombre total d’établissements.

Parmi ces nouveaux établissements qui viennent de rejoindre le programme le lycée Gaston Monnerville de Kourou, en Guyane, où s’est rendu Hakim Kasmi.

Nous sommes à l’atelier Sciences Po du lycée Gaston Monnerville de Kourou. Un atelier ouvert aux élèves de première et de terminale. Cet après-midi-là, ils sont, comme chaque lundi, répartis en demi-groupe. À raison d’une trentaine d’élèves par classe. Tous sont volontaires. La séance du jour consiste à travailler sur l’histoire de l’esclavage. L’objectif est de leur faire travailler la méthodologie, l’expression orale et la culture générale.

Ils ont aussi des cours d’histoire de l’art et de français où ils doivent faire des analyses de textes, afin d’être mieux préparés au concours.
Soigner le manque d’estime de soi

Professeur d’histoire-géographie, Mimoun Belkaid coordonne l’atelier Sciences Po : "Nous avons plusieurs obstacles à surmonter. À commencer par la représentation qu’ont les élèves d’eux-mêmes. C’est-à-dire, casser et réduire le phénomène d’autocensure qu’ils peuvent ressentir. En se disant : "Je n’ai pas les moyens ni les capacités, je ne suis pas assez intelligent, je n’ai pas les moyens financiers, je ne peux pas y arriver, je suis trop timide, etc." Tout cela doit donc être démonté, réajusté, et travaillé dans le cadre de cet atelier Sciences Po. Leur faire acquérir une méthodologie, des capacités, des compétences, en terme de pression à surmonter et d’évaluation. C’est la raison pour laquelle on ne les évalue pas avec des notes dans ce dispositif. Ce qui leur permet de mieux affronter le fait de devoir passer à l’oral. Ils n’ont ainsi aucun a priori."

Lutter contre le phénomène d’autocensure, mais surtout représenter la Guyane dans la prestigieuse école parisienne où les étudiants des départements d’Outre-mer sont minoritaires. Cette année, ils ne représentent que 14 % de la promo des étudiants de première année issus de la Convention éducation prioritaire.

Alors, pour Alana Charles, qui est en classe de première ; intégrer la prestigieuse école de la rue Saint-Guillaume serait une grande fierté : "Intégrer Sciences Po apporterait une figure représentative. Car, il n’y a pas beaucoup de Guyanais à Sciences Po. En plus, une fille, qui plus est guyanaise, apporterait également plus de diversité dans cette école."

Un manque de représentativité qui s’explique aussi par le fait qu’en Guyane en particulier, 85 % des habitants sont allophones et ne parlent pas le français en première langue. En effet, une grande partie de la population est issue du Surinam et du Brésil qui sont frontaliers. L’équipe pédagogique insiste donc beaucoup dans leur préparation au concours sur l’expression écrite et orale.

Stéphanie Coqueret est professeur documentaliste : "Nous travaillons énormément sur l’expression écrite et orale. Nous avons des élèves qui sont très brillants, très travailleurs. Mais qui ont des difficultés en français. C’est quelque chose que nous remarquons très souvent, même en terminale. Il faut savoir que le français n’est pas nécessairement leur langue maternelle à l’origine ou bien également parce qu’ils ont dû faire leur scolarité dans des classes multilingues. C’est comme ça en Guyane, on doit composer avec."
Partir en métropole, l’obstacle financier

Mais, pour décrocher l’examen, le bagage intellectuel ne suffit pas forcément. Il faut également tenir compte de l’aspect économique dans ce département où la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Partir étudier en métropole peut donc représenter un frein et un coût financier important selon Patrice Antoine, qui est en première au lycée Monnerville : "Le budget pour poursuivre des études en Guyane n’est pas du tout le même que si je devais aller étudier en métropole. Car en Guyane je pourrais être hébergé gratuitement chez de la famille. Sans avoir à payer un loyer et trouver de l’argent également pour me nourrir tout seul."

Le dispositif convention prioritaire de Sciences Po Paris, lancé en 2001 par Richard Descoings, comprend désormais 198 lycées partenaires en métropole et dans les départements d’Outre-mer.

Ce dispositif présente un très bon taux d’insertion professionnelle, puisque, sur les élèves diplômés en 2019, 88 % des étudiants issus de la voie CEP ont trouvé un emploi dans les six mois suivant leur diplôme et 75 % travaillent dans le secteur privé.

Reportage France Culture

https://www.radiofrance.fr/personnes/hakim-kasmi

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